L’avenir de la banque africaine passera-t-il par l’optimisation des agences autour des technologies de pointe ? Quels en seraient les avantages pour les opérateurs historiques et leurs clients ?
Le mobile, fer de lance du secteur bancaire
La banque mobile est l’un des piliers du secteur financier africain. Isolés dans les zones rurales et souvent éloignés des grands centres urbains, de nombreux consommateurs sont tributaires de leurs appareils mobiles pour réaliser leurs opérations bancaires. Dans ce domaine, les opérateurs télécoms et l’introduction de la monnaie électronique ont largement contribué à changer la donne.
Rien d’étonnant donc à ce que la valeur des transactions réalisées via mobile ait bondi de près de 900 % en Afrique depuis 2011, une croissance stimulée par le taux d’adoption du téléphone mobile sur le continent, qui atteint aujourd’hui 80 %. Et cette tendance haussière n’est pas près de marquer le pas : d’après les projections, environ deux tiers des habitants du continent seront équipés d’un smartphone d’ici 2025.
Toutefois, cet engouement pour le digital ne signe pas pour autant la disparition des agences bancaires africaines.
La « fin » des agences bancaires ?
Pour beaucoup, l’époque de la bonne vieille agence de proximité est révolue. Mais cette perception cache une réalité bien plus complexe.
À l’échelle internationale, le volume de transactions traité par les institutions financières via les canaux digitaux dépasse de loin celui des agences physiques. Depuis la crise financière de la fin des années 2000, plus de 10 000 et 50 000 succursales ont baissé le rideau aux États-Unis et en Europe respectivement — soit trois et seize fermetures chaque jour en moyenne.
Le phénomène n’a pas épargné l’Afrique, où le nombre d’agences ne cesse de diminuer depuis 2018. Et cette tendance risque de se maintenir, voire de s’accentuer dans les années à venir. D’après une étude du cabinet McKinsey, la crise provoquée par la COVID-19 pourrait entraîner un recul du chiffre d’affaires du secteur bancaire africain de 23 à 33 % entre 2019 et 2021. Une telle baisse pourrait d’ailleurs précipiter la chute de certains opérateurs historiques africains.
Malgré tout, le continent comptera 450 millions d’Africains bancarisés d’ici 2022, contre 300 millions en 2017 – une progression portée par le succès de la banque de détail, vivier inépuisable de nouveaux clients. D’après un rapport publié en 2018 par McKinsey, « la pénétration de la banque de détail en Afrique ne représente que 38 % du PIB », soit « la moitié de la moyenne mondiale des pays émergents ».
Deux questions se posent aujourd’hui avec une acuité particulière : comment proposer un service optimal à cette clientèle toujours plus nombreuse dans un contexte économique difficile, et de quelle manière la banque traditionnelle peut-elle jouer un rôle et offrir à ses clients une expérience ultra-personnalisée ?
Transformation digitale : l’essor des agences connectées
Grâce à leur smartphone, la plupart des consommateurs embarquent désormais leur banquier « dans leur poche » et passent très rarement la porte de leur agence. Pour autant, la présence physique demeure un paramètre déterminant, toutes générations confondues. Les clients se rendent encore en agence pour effectuer des dépôts ou des retraits d’espèces, pour obtenir une expertise en face à face ou pour s’informer sur des services comme les prêts immobiliers ou les produits d’épargne retraite. Si le mobile s’impose comme la clé d’entrée du parcours bancaire, l’agence de proximité demeure un point de contact majeur et un canal de vente incontournable.
Avec les « smart branches », les banques peuvent toucher aussi bien une clientèle traditionnelle qu’un public adepte des outils numériques.
Accenture définit l’agence connectée comme un « environnement pensé autour de l’expérience client » et explique comment les agences de demain peuvent combiner espace de vente et outils numériques pour créer un pôle d’expertise de proximité. Voici quelques exemples de technologies au service des agences connectées :
- Terminaux virtuels en libre-service, accessibles 24 heures sur 24
- Automates interactifs avec assistance à distance
- Service de vidéoconférence et robots conversationnels optimisés par IA pour mettre les clients en relation avec des conseillers spécialisés et traiter les opérations plus complexes
- Bornes automatisées en libre-service pour réaliser des opérations courantes liées à des produits simples
Ces innovations contribuent à stimuler les ventes et à optimiser l’expérience client. Parfaitement exploitées, elles garantissent aux agences un gain de performance de 60 à 70 %, calculé à partir de la réduction des coûts et de l’augmentation des ventes. Malgré les atouts indéniables de ces solutions, il est probable que seul un petit nombre d’agences triées sur le volet en seront équipées, étant donné la complexité et les coûts associés à leur déploiement.
Quoi qu’il en soit, dans un contexte dégradé en raison de la pandémie, la transformation des succursales bancaires en « lieux d’expérience » ou en « agences connectées » peut être l’occasion de repenser l’agencement en vue d’améliorer les conditions d’hygiène et de protéger les clients face à la COVID-19. L’installation de capteurs, de panneaux de protection et d’une signalétique pour gérer les files d’attente est aujourd’hui une priorité. Ces aménagements pourraient former le socle de la banque du futur, une banque établie sur l’équilibre entre outils digitaux et échanges humains, modèle gagnant du XXIe siècle.
Placer le client au cœur des réflexions
Que ce soit pendant ou après la crise de la COVID, les banques gagneraient à exploiter des solutions économiques pour localiser et identifier à tout moment les clients présents dans leurs agences.
Au cours des dix dernières années, les institutions financières ont déjà investi massivement dans les solutions de gestion de la relation client (CRM) pour offrir aux chargés de comptes des données client précises et granulaires.
Cet investissement se mesure essentiellement au sein des agences, où les clients rencontrent et échangent directement avec les guichetiers et les conseillers. Toutefois, si cette stratégie porte ses fruits en Europe, où la fréquentation des agences recule d’année en année, elle se prête beaucoup moins bien aux régions où beaucoup continuent de privilégier le « brick and mortar » pour réaliser la majorité de leurs opérations. Le taux de fréquentation y est tout bonnement trop élevé.
Pour enrichir la relation client, les banques ont tout intérêt à miser sur une approche agile, qui permettrait de connaître l’affluence chaque heure de la journée et de faire remonter les données sur chaque client présent en agence. Dans les agences connectées ainsi équipées, on pourrait ainsi mettre en place un système qui, dès l’arrivée d’un client VIP dans les locaux, enverrait une notification au directeur d’agence, lequel dirigerait ensuite le client vers un conseiller compétent.
Smart branches : des agences connectées au service des Africains
Dans le domaine des agences connectées, l’Afrique tire son épingle du jeu face aux marchés plus développés, contraints par les infrastructures historiques et moins enclins au changement.
Les banques africaines figurent parmi les pionniers des solutions de nouvelle génération, comme la banque par WhatsApp. Et qui sait ? Elles pourraient révolutionner les agences connectées, transformer les nouvelles contraintes en opportunités et s’imposer en acteurs modernes et dynamiques du système financier.