Comment le service de conformité d’une banque peut-il collaborer avec d’autres institutions financières, des organismes de régulation et des partenaires technologiques pour améliorer l’efficacité et la mesure dans la lutte contre la criminalité financière ? Lors du Sopra Banking Summit de l’année dernière, nos experts en la matière ont discuté de cela en détail. Nous explorons ici davantage l’aspect de l’efficacité.
La criminalité financière représente l’un des plus grands risques systémiques pour l’économie mondiale. Selon une étude de LexisNexis Risk Solutions, le coût mondial de la conformité en matière de lutte contre la criminalité financière était estimé à 274,1 milliards de dollars en 2022, contre 213,9 milliards de dollars en 2020.
Les banques et leurs écosystèmes sont des acteurs essentiels dans la prévention et la détection des violations. Dans cette optique, les stratégies de lutte contre le blanchiment des capitaux (LBC) et le financement du terrorisme (FT) des institutions financières doivent être prioritaires. Leur mise en œuvre implique de travailler avec des partenaires externes afin de tirer parti des nouvelles technologies, du partage de données et de la priorisation des risques.
Il s’agit d’adopter une approche durable qui dépasse les exigences réglementaires et se concentre sur l’efficacité.
Évolution des réglementations anti-criminalité financière
Pour lutter contre les flux financiers illicites, la Commission européenne (CE) a créé en 2020 un Plan d’action de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, mettant en avant six domaines d’intérêt :
- Application efficace et harmonisée des règles existantes
- Élaboration d’un règlement unique de l’UE
- Création d’un système de supervision au niveau de l’UE
- Mise en place d’un mécanisme de coopération et de soutien pour les cellules de renseignement financier (CRF)
- Meilleure utilisation des informations à l’échelle de l’UE pour l’application du droit pénal
- Recherche d’une UE plus forte dans le monde.
En juillet 2021, la CE a présenté un ensemble de mesures ambitieuses visant à renforcer les règles existantes de l’UE en matière de LBC/FT et à faire avancer le Plan d’action. Cet ensemble comprenait :
- Proposition de création d’un nouvel organisme chargé de lutter contre le blanchiment d’argent – l’Autorité de l’UE en matière de LBC/FT (AMLA)
- Règlement contenant des règles directement applicables en matière de vérification de l’identité des clients et de bénéficiaires effectifs
- Sixième directive (AMLD6) pour remplacer la directive 2015/849/UE, clarifiant les pouvoirs des superviseurs nationaux et des CRF
- Révision du règlement de 2015 sur les transferts de fonds, ce qui signifie que les fournisseurs de services d’actifs numériques relèveront des règles de l’UE.
Recommandations du Groupe d’action financière (GAFI)
En 2012, le Groupe d’action financière (GAFI) a publié un “cadre de mesures complet et cohérent” pour aider à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les recommandations sont régulièrement mises à jour et offrent des orientations internationales dans des domaines tels que :
- L’application d’une approche fondée sur les risques
- La coopération et la coordination nationales
- Les lois sur le secret des institutions financières.
Le GAFI évalue dans quelle mesure ses membres mettent en œuvre leurs normes. Leur méthodologie d’évaluation de la conformité aux recommandations et aux systèmes de LBC/FT met l’accent sur deux piliers : l’efficacité et les exigences techniques, en mettant l’accent sur le premier.
Lorsque le GAFI a effectué une évaluation de l’Allemagne en 2022, les résultats étaient décourageants. Ils avançaient une absence de politique ou de stratégie pour contrer le blanchiment d’argent : “There’s no clear policy or strategy for disrupting and sanctioning money laundering in a consistent and comprehensive manner.”
Renforcer l’efficacité de la conformité à la lutte contre la criminalité financière
Pour améliorer cette situation, les institutions financières en Allemagne et dans d’autres pays européens devraient partager davantage d’informations sur la criminalité et le terrorisme, hiérarchiser les risques de manière plus efficace et exploiter le pouvoir de la technologie et de l’innovation.
Renseignement financier
La lutte contre la criminalité financière s’améliore lorsque les banques partagent des données au niveau national et international. Cependant, une approche basée sur le renseignement est entravée par des cadres de protection des données incohérents, une mauvaise gestion des informations des déclarations d’activités suspectes (DAS) et le secret bancaire.
Par exemple, les institutions financières adoptent souvent une position défensive vis-à-vis des DAS, ce qui entraîne un grand nombre de rapports de faible valeur et une consommation de ressources précieuses qui pourraient être mieux utilisées ailleurs. De plus, un système de partage de données et de coopération insuffisamment développé entre les secteurs public et privé et à l’échelle transfrontalière signifie que les banques ne savent pas nécessairement quelles DAS sont prioritaires pour les CRF (cellules de renseignement financier).
Pour surmonter ces problèmes, les banques, les gouvernements et les CRF devraient prendre en compte les éléments suivants :
- Une analyse enrichie des DAS par les CRF. Utiliser cette analyse pour définir les priorités nationales en matière de criminalité financière, et aider les institutions financières à concentrer leurs efforts de conformité.
- Des obligations de déclaration d’activités suspectes (DAS) plus rationalisées et automatisées. Les déclarants envoient des notifications de suspicion de haut niveau, les CRF demandant des informations supplémentaires si les données sont intéressantes.
- Mise en place de modèles d’utilité des données favorisant l’efficacité. Ces modèles rassemblent des ensembles de données cloisonnées via des utilitaires de partage d’informations, tant public-privé que privé-privé. Par exemple, la région nordique a convenu d’une approche d’utilité “Know Your Customer” via la plateforme Invidem.
- Développement accru des partenariats public-privé (PPP). La collaboration entre les institutions financières, les forces de l’ordre, les décideurs politiques et les organismes de réglementation est déjà en place à divers degrés, mais il est possible d’en faire plus en intégrant les PPP dans l’architecture des politiques et en augmentant le partage d’informations.
- Assurer la compatibilité entre les règles de LBC/FT, de protection des données et de secret bancaire. Cela facilite un plus grand partage d’informations entre les parties concernées, permettant d’atteindre les objectifs de conformité.
Hiérarchisation des risques
Lorsque les pays établissent des priorités nationales en matière de LBC/FT, les banques peuvent passer d’une concentration principalement sur la conformité réglementaire à une approche axée sur les risques et les résultats en matière de criminalité financière. Certains pays sont déjà fermement engagés dans cette voie : FinCEN – l’unité de renseignement financier des États-Unis – a publié une déclaration de priorités en 2021.
Pour identifier, évaluer et atténuer les risques associés aux priorités nationales, les institutions financières doivent ajuster leurs processus d’évaluation des risques en conséquence et recentrer leurs ressources sur les clients et les activités à haut risque.
Technologie et innovation
La sophistication croissante des crimes financiers nécessite une utilisation accrue de solutions de pointe pour les combattre. L’adoption de technologies telles que le machine learning, le traitement du langage naturel et l’analyse avancée améliore l’efficacité en introduisant des flux de travail fiables et flexibles pour les tâches de conformité complexes.
Par exemple, une solution d’analyse utilisée par la Bangkok Bank a entraîné une augmentation de 26 % des cas suspects enquêtés et une hausse de 40 % des signalements de cas de fraude avérée en vue de poursuites pénales. De plus, PwC a observé qu’une technologie correctement déployée peut réduire les coûts de conformité de 30 à 50 %.
Une approche durable et efficace
Les réglementations en matière de lutte contre la criminalité financière évoluent ; pour suivre le rythme, les institutions financières doivent adapter leur approche à la conformité. Mais il ne s’agit pas seulement de respecter les règles et les réglementations.
Une conformité efficace en matière de lutte contre la criminalité financière nécessite une stratégie basée sur les risques qui favorise l’efficacité. Cela implique également un écosystème de soutien via des partenaires technologiques tiers, une communication transfrontalière et une coopération intra-bancaire.
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